sábado, 10 de novembro de 2018


"Et je comprends que ce don ou cette grâce de penser de vaste façon, et dans de nombreuses combinaisons que cette manière magnifique et singulièrement bénéfique de regarder le monde pour ainsi dire sous différentes facettes, seul peut en jouir celui qui a accueilli un jour en lui, en faisant sa propre expérience, les nombreux pays, les nombreux hommes et les nombreuses époques que les livres accueillent, et qui a alors été bouleversé de comprendre à quel point est étroite la vision du monde de qui s'interdit de lire. (...) Car, lorsque nous lisons, que faisons-nous sinon vivre intérieurement avec des êtres étrangers, sinon voir avec leurs yeux, penser avec leurs cerveaux? Et je me souvins alors toujours plus vivement, et avec toujours plus de gratitude, ému et reconnaissant, des bonheurs innombrables ressentis en compagnie des livres. Je me souvins de décisions importantes, que je devais à des livres, de rencontres avec des écrivains depuis longtemps disparus, qui étaient pour moi plus importants que nombre d'amis et de femmes ; je me souvins de nuits d'amour avec des livres, où le sommeil, à force de plaisir, avait été oublié; et plus je réfléchissais, plus je comprenais que notre univers spirituel est fait de millions de monades d'impressions uniques, dont une minorité seulement est le fruit du vu et du vécu — mais dont la grande majorité est due aux livres, au lu, au transmis, à l'appris."
Stefan Zweig, Das Buch als Eingang zur Welt, in Volker Weidermann, Ostende 1936. Un Été avec Stefan Zweig

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